Sainte lyon couverture

LyonSaintéLyon 2023

Par alcharlieucourseshorsstade Le 05/12/2023

SaintéLyon XXL !

Récit de course :

L'an passé, j'avais bouclé en solitaire et non sans peine, cet aller-retour Lyon/Saint-Étienne (156km).

À l'issue d'une course très boueuse, j'avais terminé en mode "zombie", dans les bas-fonds du classement, avec un bel oedeme au genou.

Jamais, au grand jamais, je ne retenterai cette folie...

Juillet 2023 :

Mon premier semestre sportif a été particulièrement mitigé.

Il me faut me relancer, c'est décidé : j'y retourne!

Octobre 2023 :

Ma préparation patine sévère.

Coincé dans le ressac, je ne parviens pas à retrouver ma niaque d'antan.

Au moment où j'envisage de jeter l'éponge, un évènement inattendu intervient :

Un coup de fil de Charlie, un coureur de Saint-Maurice-les-Châteauneuf.

Il hésite à s'aligner sur l'épreuve, me demande des infos en vue d'une éventuelle inscription et évoque l'idée d'une course en équipe.

Cet appel fait naitre en moi un nouvel espoir, ma préparation s'en trouve totalement relancée!

Passage par la Fatima du Cergne lors d'une sortie longue "répétition générale" Charlieu/Cublize

Le Jour J :

Nous y voilà.

Je suis assez crispé, j'ai de serieuses réserves sur ma préparation. Celle-ci fut certes volumineuse, avec des sorties poussées au-delà des 60 bornes, mais l'ensemble fut brouillon et poussif, peu élaboré.

Je me présente ici éreinté par cette prépa, là où je devrais être frais et affûté. Je crains que dans ce contexte exigeant, ma méthode d'entraînement "old school" ne se heurte à ses limites.

Je me rassure en me disant que je peux compter sur mon expérience et surtout sur mon binôme du jour : Charlie.

Celui-ci a également quelques inquiétudes, cristallisées sur ses chevilles, un rendez-vous de la dernière chance chez l'ostéopathe n'a pas évacué tous les doutes...

9H00 - KM 0 :

C'est parti !

Le peloton s'extrait tranquillement de la Halle Tony Garnier.

La météo est fraiche, mais plutôt clémente.

J'ai du mal à entrer dans la course, je pioche d'entrée, la journée promet d'être longue...

Je fais le dos rond, sachant par expérience que dans ces longues courses, la roue peut parfois tourner favorablement au fil des heures.

Charlie semble lui dans de bonnes dispositions, il mène l'allure du binôme. Son côté force tranquille est pour moi très rassurant.

Je suis d'entrée tête dans le guidon, à l'abri dans le sillage de la grande silhouette de mon acolyte.

KM 22 :

Nous arrivons à hauteur d'une coureuse qui avance à allure très modeste. Son visage m'est familier.

C'est Maud Méry de Montigny, une ultra-traileuse élite qui s'est fait, depuis quelques années, une belle réputation dans le milieu (troisième de la précédente LyonSaintéLyon, victorieuse sur la VVX 224 kms).

Elle entame la discussion par une boutade sur ma montre.

Je lui explique que je suis l'un des ses fans et que son allure du jour me surprend. Elle nous dit en fait avoir opté pour un aller très prudent, après avoir grillé ses cartouches l'an passé. Elle avait été première à Saint-Étienne, reléguant ses poursuivantes à plus d'une heure, pour finalement terminer troisième. Je devine dans ses mots une pointe d'amertume par rapport au système de classement.

Nous reprenons notre petite allure, laissant derrière nous cette athlète de haut-rang.

C'est typiquement le genre de moments singuliers qui me font aimer l'ultra-trail.

(Face à une rude concurrence, Maud terminera au final cinquième cette année)

KM 44 :

Nous passons par le ravitaillement de Sainte-Catherine, point emblématique du parcours. La famille de Charlie est présente sur place pour nous donner un petit coup de boost.

Arrivent les meilleurs moments de ce périple :

Le peloton s'est étiré, nous pouvons profiter en toute quiétude des paysages et du coucher du soleil, avant de redescendre sur l'agglomération stéphanoise.

Cerise sur le gâteau : je me suis refait la cerise!

KM 78 :

Nous arrivons à Saint-Étienne à 20 heures pétantes, grâce à la belle allure imprimée par Charlie. Soit 1h30 de moins que mon chrono de référence.

Nous aurons plus de temps pour la récupération.

L'espace dédié aux concurrents de la LyonSaintéLyon est un endroit des plus insolite. L'ambiance qui y règne est de type "cour des miracles", j'adore.

Dans ce lieu éphémère, les règles de bienséance, d'hygiène, de pudeur n'ont plus cours.

Les concurrents se changent aux yeux de tous. Chacun refait la course, papote avec son voisin comme si c'était son meilleur pote, alors qu'il ne le connaît que depuis deux minutes.

Tout d'un coup, un coureur fait un malaise dans une indifférence presque générale : nous sommes tous dans un état second.

Le repos bien mérité du guerrier Charlie

23H30 - KM78 :

Plaisant privilège : notre dossard distinctif nous permet d'accéder au tout premier sas de départ. De quoi bien profiter du spectacle de drones.

Le départ est donné, Charlie est d'entrée dans le dur.

Me voyant un peu plus frais, il me propose un "bon de sortie".

Je décline, mieux vaut être accompagné pour affronter l'abîme qui nous attend. En cas de coup de mou, il est plus commode d'avoir un camarade à ses côtés.

KM 97 - Saint-Christo :

C'est l'enfer, nous sommes au cœur de la "pain cave".

Je suis frigorifié. Acculé par la fatigue et le froid, mon métabolisme semble proche du point de rupture. Je tente de m'alimenter, mais ça a du mal à passer. Charlie rencontre des difficultés similaires.

KM 112 - Sainte-Catherine :

Point névralgique.

Une seule chose m'intéresse au ravitaillement : la soupe. Ses qualités gustatives sont discutables, mais elle a le mérite d'être bouillante. Ce breuvage est mon viatique, quelques gorgées me permettent de me maintenir à flot.

La noria des bus de rapatriement est bien sûr présente. Le parcours nous fait passer juste à côté des cars en stationnement. Je détourne le regard, mais ont peut entendre les moteurs tourner. Si le moteur tourne, il y a certainement du chauffage, ça n'est pas un détail anodin pour moi qui suis toujours transi de froid...

Passé ce point, le profil se fait plus descendant, mais le verglas est de plus en plus présent, certaines portions sont impraticables.

Les chutes sont nombreuses, nous y avons tout deux droit, sans gravité. Des cris stridents de douleur résonnent parfois au loin. La situation est souvent confuse.

KM 120 :

Nous assistons au lever du soleil aux environs du signal de Saint-André.

Le verglas n'en finit pas de nous ennuyer.

Face à l'impraticabilité de certaines portions, des concurrents prennent l'initiative d'ouvrir des voies parallèles dans des prés. C'est aventureux, il faut enjamber les barbelés, on n'est pas sûr de l'issue des ces voies.

J'ai dans ces moments là une pensée pour le journaliste du Progrès qui nous avait annoncé un circuit sec et roulant, je vous en épargnerai la teneur...

KM 136 - Soucieu-en-Jarrest :

Je ne peux plus courir depuis quelques kilomètres, mon genou gauche est "out".

Il nous faudra finir en mode "rando".

Le ravitaillement de Soucieu est apprécié. Et pour cause : Nely, l'épouse de Charlie, nous a gentiment concocté des sandwichs. Ça change des ravitos, ça requinque l'équipe.

On relance tranquillement, la plupart des autres concurrents sont aussi entamés que nous.

Depuis le début de ce trajet retour, nous recevons de nombreux encouragements et marques de respect de la part des autres participants. Ils nous reconnaissent grâce à nos dossards distinctifs jaunes, ça fait du bien au moral!

KM 149 :

Nous approchons de la Mulatière, mon genou ne veut plus rien entendre. Je touche le fond et tente diverses techniques hasardeuses pour contenir la douleur. Le ridicule n'a jamais tué personne.

Charlie, également bien entamé mais dans une moindre mesure, fait preuve d'une grande patience pour attendre son estropié de binôme.