Pour les curieux, je (Gérald) vous partage ici le récit de ma participation à la mythique SaintéLyon dans sa version à rallonge dite LyonSaintéLyon (156 kms).
Samedi 3 décembre, 8h00 du matin : me voilà dans la Halle Tony Garnier de Lyon. Je suis partagé entre excitation et appréhension.
L'ultra-trail est une perpétuelle leçon d'humilité. Ce printemps, lors du 110 kilomètres des Coursières, j'ai frisé l'abandon. Cet automne, sur le 78 kilomètres du Jura, la mauvaise météo m'a mis en grande difficulté. Le cuir s'est tanné au fil de ces déconvenues. J'ai bien conscience de n'être qu'un modeste participant, au sein de ce peloton de 303 coureurs.
Du fait de son profil atypique, cette formule de course aller-retour est peu prisée des élites. La participation à l'épreuve est néanmoins conditionnée à la justification d'un minimum d'expérience. Cela se sent dans le peloton : les athlètes sont racés, expérimentés, sûrs d'eux. Nous sommes entres initiés. C'est la cour des grands ! Quel privilège pour moi de pouvoir concourir parmi ces pointures.
Inutile de fanfaronner donc, je laisse cela à l'Ultra favori du jour Alexandre "Casquette verte" Boucheix, qui se gargarise outrageusement d'annoncer au micro du speaker sa victoire à venir.
Je n'en mène pas large : la marche n'est-elle pas trop haute ?
Pas question pour autant de regimber. Un an que j'ai cet objectif en tête, toute une saison totalement tournée vers cette course. J'ai bien l'intention de me battre avec mes armes, de profiter du moment, et de représenter au mieux l'Amicale !
9h00 pétantes : c'est parti !
Dès les premières foulées, la pression redescend. Nous ne sommes pas classés sur ce trajet aller, l'ambiance est donc décontractée, et ma stratégie simple : y aller mollo et profiter. Il n'y a rien à gagner sur cette première partie de course, mais tout à perdre.
Kilomètre 10 : ma hanche commence à grincer, côté extérieur, puis la gêne se diffuse à l'adducteur. Inquiétude.
Kilomètre 23 : ravito de Soucieu : dans la salle des sports, je me rue sans ambages dans un vestiaire : séance massage/étirements adducteurs/hanches.
Contre toute attente, les douleurs s'évaporent après cette hasardeuse séance.
Je trouve mon allure au fil des kilomètres. Ces chemins sont assez semblables à mes circuits d'entraînement favoris des secteurs Arcinges/Le Cergne/Écoche. La promenade est plaisante. Le peloton s'étire, la civilisation s'éloigne, tout ce que j'aime.
La brume nous enserre, l'ambiance est parfois confuse, de nombreux concurrents s'égarent. Et pour cause, le fléchage n'est fait que pour le sens Saint-Étienne/Lyon. Il faut donc tourner la tête à chaque intersection et se mettre dans l'esprit du traceur en fonction de l'orientation des panneaux. J'ai aussi ma petite technique : scruter au sol les empreintes de pas, le chemin le plus fréquenté sera le bon. C'est l'aventure !
La nuit finit par nous rattraper, nous sommes noyés dans l'étoupe. Au brouillard s'ajoute l'obscurité, la visibilité est quasi nulle. Mon imagination divague. Cette ambiance film d'horreur me ravit.
Je suis esseulé sur ces chemins. Il y a certaines scènes cocasses : peu après la tombée de la nuit, je rattrape un concurrent isolé. Il est à l'arrêt, en panique, ne trouve plus sa frontale, me demande si je ne l'ai pas vue par terre. Je m'apprête à sortir ma lampe de secours quand finalement, éclairé par mon faisceau, le pauvre bougre parvient à retrouver la sienne au fond de son sac.
Visibilité : bof bof
Un peu plus loin, arrivé à un croisement, aucun fléchage... Tout à coup, un binôme de coureurs déboule du chemin sur ma gauche : ce n'est pas là visiblement ! Je trouve parfois un ou deux alliés de circonstance sur quelques kilomètres, mais les silhouettes de ces naufragés de la nuit disparaissent aussi soudainement qu'elles m'étaient apparues.
C'est à 21h30 et en solitaire que j'entre dans les faubourgs stéphanois. Assez troublant de savoir que je repasserai ici plus tard au milieu de milliers de coureurs.
Il n'y a que quelques rares fléchages. J'ai beau être en course, il me faut appliquer les mêmes précautions qu'un piéton lambda pour traverser les passages cloutés et progresser dans l'agglomération. Arrivé sur le boulevard Georges Pompidou, je cours sur le terre-plein central gazonné, pour préserver mes articulations. La scène doit sans doute être déroutante pour les automobilistes qui m'entourent.
Puis, ayant perdu le fléchage, je décide de suivre les panneaux de circulation menant au Technopôle... Mais arrivant aux abords de celui-ci, le doute me prend : l'endroit est désert. J'ai perdu ma lucidité, je suis désorienté : où c'est, ce truc ? Technopôle ? Zénith ? Parc Expo ? J'aperçois une passante qui promène son chien. L'interroge. Elle m'indique la direction du Parc Expo.
J'arrive par les derrières de la salle, les membres de l'organisation sont décontenancés de me voir débouler de nulle part, mais c'est fait (avec un peu de rab) : mi-chemin !
Je me glisse dans la petite salle réservée aux participants de la LyonSaintéLyon. Je comprends rapidement que je suis l'un des derniers arrivants. La voiture-balai n'est pas si loin dans mon dos (je suis arrivé 45 minutes avant la barrière horaire - 21h45 pour 22h30). Cela m'inquiète un peu, surtout le regard des membres du staff, qui ne semblent pas donner cher de ma peau.
80 kilomètres d'efforts pour ça...
Changement de tenue, casse-croûte, et c'est reparti !
Minuit. La foule. On the road again.
Les jambes sont encore là, je garde une allure modeste et régulière. J'avais hâte de retrouver la troupe, las de me perdre, et espérant être entraîné par le train. Je regrette finalement vite ma solitude de l'aller : on ne peut pas se tourner, c'est oppressant, l'impression d'être pris dans une nasse.
Je me serre au maximum sur le côté pour laisser les autres concurrents me dépasser. Certains effectuent des relais, ils n'ont donc qu'une vingtaine de kilomètres à parcourir. J'en suis quitte pour quelques désagréables coups de coudes. Il y a d'autres gestes nettement plus constructifs, comme quelques tapes amicales dans le dos, accompagnées d'encouragements. Cela est dû au dossard distinctif jaune que seuls les concurrents de l'aller-retour arborent.
Le circuit est nettement plus boueux qu'à l'aller. Compliqué de trouver ses appuis.
C'est sans difficulté particulière que je me présente au mythique ravitaillement de Sainte-Catherine. C'est un grand soulagement de franchir ce point de bascule redouté, d'autant que j'ai déjà perdu quelques camarades ici par le passé. Je continue à avancer, attendant impatiemment le lever du jour.
Le petit matin sera finalement l'amorce de mon déclin, puisque c'est aux abords de Saint-Genou que je sens les forces m'abandonner : j'ai froid, je bâille, mes yeux se ferment...
Je rejoins ensuite le ravitaillement de Soucieu, 135 kilomètres au compteur, acculé par la fatigue, mais j'ai l'agréable surprise d'y trouver quelques proches venus me soutenir.
Les supporters
Ma "préférée supportrice"
Je repars reboosté, accompagné par mon frère Jean-Charles en pacer jusqu'au ravito de Chaponost. Pour l'occasion, je sors le short bariolé. Celui-ci amuse bien la galerie, c'est le but. On est dans le sport, ça reste un jeu, il faut toujours veiller à ne pas trop se prendre au sérieux !
Audace vestimentaire
Chaponost. Dernière pause. C'est seul que je vais conclure cette aventure. J'attendais cette ultime portion, je l'affectionne ; le City Aventure de Sainte-Foy-lès-Lyon, les ruelles escarpées de La Mulatière... Mais à ma fatigue générale s'ajoutent maintenant des douleurs articulaires et une pluie battante.
C'est donc avec la satisfaction du devoir accompli, mais les dents serrées, que je rejoins Tony Garnier, après près de 28 heures d'efforts.
Quand on aime, on ne compte pas !
Classement :
Lyon - Saint-Étienne - Lyon - 156 kilomètres - 4500 d+ - 212 arrivants (303 partants) :
- Gérald Berthier : SaintéLyon : 15'07'50 - 171 ème
(Temps total : 27h50'04 - Temps LyonSainté : 12h42'14 - 263ème)
Lien classement
Crédit photos :
Photo 1 :Facebook officiel SaintéLyon Photo 6 : Facebook Lyon Ultra Run Photo 9 : Site web Distance +